Revue mensuelle d’investissement

Février 17, 2023 - 16 min à lire

Vision Globale

Classes actifs

Régime macroéconomique à long terme. Des cycles économiques irréguliers et volatils
Les déséquilibres, la dette, l’inflation supérieure à la moyenne et le G-zéro alimentent les variations élevées des cycles économiques. Les rendements réels devraient progressivement converger vers zéro et les taux souverains américains à 10 ans osciller entre 3 et 4 %

Rendements réels et conditions financières dans l’oeil du cyclone
L’amélioration de la liquidité mondiale a empêché les taux réels de grimper et a assoupli les conditions financières. Peu de changements sont attendus avant le second semestre, lorsque les perspectives macroéconomiques seront plus claires

Ralentissement mondial et inflation supérieure à la moyenne
Les pays occidentaux connaîtront des conditions de type récession avec un rythme d’inflation supérieur à la normale en 2023. Les pivots de la Fed et de la BCE basés sur la macroéconomie ne sont pas envisageables avant la fin de l’année ou le début de 2024

L’amélioration de la géopolitique se poursuit
Une annexion de Taïwan est devenue moins probable. Les chances d’un accident nucléaire en Ukraine ont également diminué. L’OTAN se renforce et l’UE est devenue plus cohésive

Corrélation instable entre les actions et les obligations
Le jeu de cache-cache entre la Fed et les investisseurs va se poursuivre. Le dernier rebond des actifs risqués, qui escomptent un meilleur contexte macroéconomique, réduit leur potentiel à court terme

Grande déconnexion entre les flux de capitaux institutionnels et privés
Après une année 2022 désastreuse, les hedge funds ont manqué le rebond des actions et restent prudents sur les obligations. La frénésie des privés est réapparue récemment, avec des rebonds spectaculaires des valeurs vedettes de l’informatique et des cryptomonnaies

 

Les Géopolitique, Chine et liquidités – En Europe, ce n’est pas très percep-tible compte tenu de la proximité du conflit en Ukraine. Mais la perception du risque géopo-litique mondial s’est améliorée à partir de S2 2022. Les revers internes de Xi et la réouver-ture compliquée du pays ont rendu moins probable une invasion imminente de Taïwan. La menace nucléaire russe a diminué. Trump est affaibli, contrairement à la démocratie améri-caine. L’Europe resserre les rangs et l’OTAN retrouve son lustre d’antan. La géopolitique semble avoir joué un rôle sur les flux de précaution vers l’USD.
La géopolitique mondiale reste tendue et complexe
Mais dans un avenir prévisible, elle devrait rester plus calme qu’en 2021 – H1 2022

Ces dernières semaines, la Chine a appuyé plus fort sur l’accélérateur. Fin de la politique du zéro Covid, re-liquéfaction active et soutien aux acteurs en difficulté du secteur immobilier. Cette volte-face a permis jusqu’à présent à Xi d’étouffer la contestation politique interne. L’avenir nous dira si des manifestations de grande ampleur s’opposant directement à l’auto-rité et à la gouvernance du Parti resurgiront. Jamais depuis Tiananmen en 1989, le régime n’a été autant contesté. Sa cohésion est néanmoins totale, après les multiples purges de ces dernières années. Xi n’a d’autre choix que de tenter de relancer vigoureusement la machine économique. La croissance chinoise en 2022 a été la plus faible depuis 50 ans. Mais le trau-matisme de 3 années de confinement et l’accélération dramatique de la mortalité en 2023 empêcheront les consommateurs de dépenser sans compter…
Heureusement pour la croissance mondiale, un répit à court terme se dessine enfin grâce à la Chine sur différents fronts
Mais les fondamentaux à long terme du pays ne sont pas brillants

Le resserrement agressif des politiques monétaires dans les grands pays occidentaux touche à sa fin. Nous nous dirigeons vers une nouvelle phase de transition / peaufinement. Tout dépendra finalement du rythme de stabilisation de l’inflation à partir du T3/4, lorsque les effets de base favorables se dissiperont et que l’on pourra observer plus précisément l’ampleur et la profondeur du ralentissement cyclique. Le cycle de liquidité, qui a tradition-nellement quelques trimestres d’avance sur le cycle économique, en est déjà le reflet. Mal-gré les programmes de resserrement quantitatif, la liquidité mondiale est repassée en terri-toire positif, grâce au gouvernement américain (dégonflement du TGA) et aux injections de la BoJ et de la PBoC ! Les indicateurs de volatilité implicites pour les actions et les obliga-tions reflètent bien la reprise rapide de l’appétit pour le risque des investisseurs, comme la surperformance soudaine des actifs ¨pourris¨, dans le HY dans les secteurs d’actions haute-ment spéculatifs (IT) et dans la crypto-sphère.

Une récession mondiale pourrait bien être évitée au 1er semestre. Cette bonne nouvelle a son revers, car un simple ralentissement ne suffira pas à contrecarrer la pression inflation-niste séculaire et à rétablir un régime proche de 2 %. En l’absence d’un affaiblissement con-cret de l’emploi aux États-Unis et d’une meilleure visibilité des effets de la crise énergétique dans l’UE, la Fed et la BCE pourraient rester sur la défensive. Elles risquent donc d’opter pour la politique du faucon, dans le seul but de restaurer leur crédibilité perdue en 2021.
Les actifs risqués – et les spreads de crédit – ont bénéficié de la dernière hausse des liquidités
Une nouvelle amélioration de la liquidité semble peu probable car le gouvernement améri-cain et la BoJ sont à court de munitions

 

Devises

La faiblesse du dollar avant la fin d’un cycle de resserrement de la Fed est monnaie courante – Ce début d’année a été peu propice à l’USD pour de bonnes raisons. Plusieurs changements macro ont fait baisser sa valorisa-tion. Premièrement, le pivot politique en Chine (zéro-Covid) a soutenu les actifs risqués. Deuxièmement, la Banque du Japon s’éloigne lentement du contrôle de la courbe des taux et, potentiellement, de sa politique de taux d’intérêt zéro ce qui soutient le yen. Des flux considérables reviennent au Japon. Troisièmement, la BCE est plus restrictive que la Fed, ce qui contribue à soutenir l’euro. Quatrièmement, l’année a plutôt mal commencé sur le front de la croissance US. L’indice de surprise économique américain est revenu à zéro. Nous prévoyons une légère hausse de l’USD en raison de surprises potentielles en matière de données qui pourraient faire pencher les anticipations de hausses des Fed Funds à la marge. Cependant, le passage à des hausses de 25pbs a été télégraphié.

Performance du dollar

L’USD devrait continuer à subir des pressions alors que la confrontation prolongée sur le plafond de la dette entraîne une augmentation de la prime de risque. La plupart des pairs de la Fed ont déjà préannoncé des resserrements prolongés, ce qui est bien pris en compte par les marchés

La majeure partie du rebond de l’euro est faite – La combinaison de l’activisme de la BCE, principalement face à la Fed, alliée à un meilleur contexte macroé-conomique, le risque de récession en zone euro s’étant dissipé, ont entraîné un rebond de 10% de l’EUR/USD depuis le début du T4. Concomitamment à la hausse de l’euro, les investisseurs sont passés d’une position neutre à la position la plus « longue » sur l’euro jamais vue. La clé de la reprise a été la réouverture inattendue de la Chine, de meilleures exportations de produits manufacturés allemands et des prix du gaz réduits/une meil-leure sécurité des approvisionnements.

L’amélioration du contexte macro intervient alors que la BCE considère désormais que les taux directeurs doivent encore significativement augmenter à un rythme soutenu pour atteindre des niveaux suffisamment restrictifs pour assurer un retour rapide de l’inflation vers l’objectif des 2%. La BCE ajustera sa politique par pas de 50pbs, au moins au cours du T1. Bien que certains suggèrent que la BCE pourrait envisager de revenir à 25pbs dès mars, ces informations sont à prendre avec prudence. Même les plus modérés comme l’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, reconnaissent la nécessité d’une politique restrictive.

Dans l’ensemble, même si le rebond de l’EUR semble excessif, nous ne nous attendons pas à une correction majeure

 

Obligations

Un point d’inflexion – Le plus important moteur du marché, c’est la Fed qui approche de la fin de son resserrement monétaire. Aux États-Unis, l’inflation montre des signes concrets de décélération durable et, en réponse, les décideurs de la Fed ont annoncé moins de hausses futures des taux directeurs. Une augmentation des Fed Funds de 25pbs en février représente un rythme de hausses plus lent que celui poursuivi précédemment. C’est également un signe que la Fed approche de la fin de son cycle de resserrement. Selon les indicateurs avancés de l’inflation, la Fed devrait réussir à atteindre son objectif en relevant les Fed Funds au-dessus de l’ensemble des mesures d’inflation sous-jacente d’ici la fin du T1.
La Fed resserrant à un rythme plus graduel, les taux des bons du Trésor américain ont précipitamment chuté en début d’année. La récente baisse du taux à 2 ans US reflète une Fed devenant moins restrictive. Cependant, les marchés financiers anticipent déjà des baisses des Fed Funds avant la fin de l’année, ce que les responsables de la Fed ont repoussé.

Performance des differents segments

Deux facteurs sont essentiels pour apprécier les performances durant les épisodes de plateau : le niveau terminal des Fed Funds et la durée de l’épisode. Lorsque la Fed a mis fin à ses cycles de hausse, une seule fois elle a maintenu les taux inchangés pendant plus de 7 mois, en 2006 durant 14 mois. Historiquement, plus les Fed Funds sont élevés, plus la durée du plateau est courte. On peut s’attendre à ce que le pivot de la politique intervienne plus tardivement qu’au début des années 80, étant donné le taux terminal de 5,0% lors de ce cycle.
Lorsque la Fed a déclaré la fin de son cycle de resserrement, le cash n’était plus le meilleur endroit où se cacher, les obligations longues ont surperformé
Performance des différents segments obligataires pendant les cycles d’assouplissement

Performance des differents segments

 

Les cycles d’assouplissement ont eu tendance à être plus longs que ceux de resserrement. Il y a eu une exception au début des années 2000, lorsque la période de détente est égale à la durée du resserrement.
Pendant les cycles d’assouplissement de la politique monétaire, les obligations d’État ont été les plus performantes
Même avec une forte pentification de la courbe des taux, les obligations longues ont surperformé

 

L’incertitude milite en faveur de la prudence et des émetteurs bien notés – Depuis 2020, les entreprises ont globalement renforcé leurs bilans. Pendant la crise du Covid, elles ont bénéficié de conditions de financement exception-nelles. L’activité sur le marché primaire a atteint des niveaux records. Les entreprises ont baissé le coût de leur dette et augmenté sa maturité moyenne. Puis, en 2022, leurs données financières (levier net et leur ratio de couverture des intérêts) se sont fortement améliorées grâce à une gestion prudente et à une reprise des bénéfices plus forte que prévu. Les retombées du resserrement monétaire sur les fondamentaux ont été limitées par la faiblesse des besoins de refinancement.

Cependant, le pic de qualité du crédit est derrière nous. Les entreprises devront faire face à des coûts de financement plus élevés, à une croissance atone et à des coûts de main-d’oeuvre élevés. Même si l’échéancier des maturités reste peu fourni, la question du refinancement se posera au S2. La hausse des coûts de financement et le ralentissement de la croissance des bénéfices exerceront une pression sur des bilans plus faibles et sensibles aux taux. Les émetteurs IG ne devraient pas être submergés par des coûts de la dette plus élevés, grâce à une maturité moyenne élevée et au faible coût moyen de la dette.

Sans défaut au T4 2022, le taux de défaut européen reste à 0% pour le 22ème mois consécutif. Le dernier défaut s’est produit en février 2021. Les confinements du Covid-19 ont conduit à des attentes d’augmentation des défauts en 2020, qui ne se sont pas produits. Le taux de défaut à 12 mois a culminé à 1,8%, avec 12 émetteurs en défaut en 2020 pour 5,7 milliards d’€. En 2021, il n’y a eu qu’un seul défaut.

En 2023, les taux de défaut du HY devraient revenir à leur moyenne historique, au-dessus de 4%. Les risques restent orientés à la hausse.
La résilience du HY pourrait ne pas durer car la qualité du marché se détériore. Il y a moins d’obligations notées BB, et plus d’obligations B et CCC.
Alors que le HY offre plus de rendement que l’IG, des risques de défaut plus élevés ne sont pas pris en compte par les investisseurs

 

Actions

Un démarrage soutenable ? Les indices des bourses occidentales sont tous sortis de leur tendance baissière. Les indices européens sont même entrés dans un nouveau bull market; d’ailleurs, ils ne sont plus très loin de leurs plus hauts historiques. Les indices Value/Cyclique (Europe, Dow Jones Industrial) ont débuté (octobre 2022) leur retournement bien avant les indices Croissance (début janvier 2023 pour le Nasdaq).

La définition d’une entrée en bull market est sujette à discussion, alors qu’un recul de plus de 20% d’un indice suffit à déclarer l’entrée en bear market. Pour l’entrée en bull market, c’est plus subtil : il faudrait 1) casser techniquement à la hausse la tendance baissière, 2) avoir une hausse de plus de 20% et 3) avoir un nombre de titres supérieur à 50% dont les cours sont au-dessus de la moyenne mobile à 200 jours (on est à 63% sur les indices US). Toutes ces conditions sont pratiquement remplies. Autre point positif, 9 des 11 secteurs sont passés au-dessus de leur moyenne mobile à 200 jours.

Quelques statistiques :

  • L’année 3 d’un terme présidentiel aux Etats-Unis surperforme nettement les années 1, 2 et 4; 2023 est l’année 3.
  • L’année qui suit une année négative avec une correction plus forte que 10% est toujours positive avec une moyenne à +14%.
  • Une performance positive entre les 5 derniers jours de trading d’une année et les 5 premiers jours de trading de la nouvelle année signale une année positive à 92% avec une hausse moyenne sur l’année de 21%.
  • La hausse des indices en janvier est une bonne nouvelle statistique pour l’année 2023. Depuis la Seconde guerre mondiale, une hausse en janvier se traduit à 85% par une poursuite de la hausse sur le reste de l’année avec un gain moyen de 11.5% selon CFRA Research. Si l’on rajoute une performance positive sur les 5 derniers jours de trading de l’année précédente, l’année en cours est positive dans 100% du temps avec une hausse moyenne de 29%, toujours selon CFRA Research. Un autre analyste a calculé que si la hausse de janvier est supérieure à 5%, après une année négative, l’année en cours est tout le temps positive avec une progression moyenne de 30%.
  • En janvier 2023, le MSCI Monde a progressé de 7%, le S&P 500 de 6.2%, le Nasdaq de 10.7%, le Stoxx 600 de 6.7% et l’Euro Stoxx de 9.8%. En 30 ans, c’est le 2ème meilleur mois de janvier pour le MSCI Monde, le 1er étant en 2019 avec +7.7%.

Bref, statistiquement, il y a de quoi d’être positif sur les actions en 2023. Qu’est qui pourrait faire déraper cette analyse technique favorable ? Une profonde récession, une Fed qui ferait une pause plus tard que prévu et un recul marqué des profits. Pour le moment, l’économie faiblit, mais tient bon. Les profits US sont attendus en baisse de seulement 3%-5% au 4T22 et de 3% au 1T23. Un rebond des profits (+10%) est escompté au 2ème semestre 2023. On ne s’attend pas à un recul aussi prononcé que dans les récessions dures de 2001, 2008 et 2020, mais sur les 6 prochains mois, la visibilité est réduite avec des profits et des marges tout de même sous pression. Les surprises positives sont en pourcentage en-dessous de la moyenne et pour celles en-dessus dans de faibles proportions. Au 4T22, les sociétés US avec un pourcentage des revenus aux Etats-Unis supérieure à 50% ont enregistré une baisse des profits de 3.5% contre –7.5% pour celles avec une exposition internationale. Hors énergie, le recul des profits serait le double des chiffres agrégés.

A court terme, on devient prudents avec la forte hausse des indices depuis 4 mois (+20% en moyenne), la proximité de zones de surachat et des niveaux d’indicateurs de sentiment des investisseurs plutôt optimistes.

Les valorisations des indices européens sont attrayantes vis-à-vis des indices américains. Sur les 30 dernières années, le PER de l’Europe présentait une décote moyenne de 15% par rapport aux Etats-Unis, mais depuis quelques années cette décote a doublé.

Cette sous-valorisation des actions européennes accélère les rachats d’actions des sociétés européennes. En 2022, ils s’élevaient à €350 milliards (218 milliards en 2021), encore loin des $835 milliards en 2022 ($1’000 milliards en 2018) des sociétés américaines, mais ils représentaient 2.4% de la capitalisation boursière contre 2.2% aux Etats-Unis, selon Bernstein. C’est la première fois que l’Europe dépasse les Etats-Unis en pourcentage de la capitalisation boursière.

Potentiel de revalorisation

 

Matières Premières

Métaux précieux – Les métaux précieux ont le vent en poupe depuis plusieurs mois. Le désamour des investisseurs financiers (via les ETF) lié à la hausse du USD et des taux d’intérêt nominaux (et réels) touche à sa fin. Séquentiellement, la faiblesse cyclique de la demande physique, notamment de l’Inde et de la Chine (Covid), a été compensée par les banques centrales. Cette demande émergente va se reconstituer en 2023 avec la fin des confinements liés à la pandémie. Le contexte monétaire (dé-dollarisation) de liquidité et de taux va également continuer d’être porteur.

La réouverture de la Chine et les métaux industriels – La situation est différente avec les métaux industriels : les stocks chinois sont historiquement bas. Selon Shanghai Metals Market, les stocks de cuivre se situeraient à 82’000 tonnes contre 200’000 tonnes en 2022 et 350’000 tonnes en 2021, mais la demande chinoise reste solide, surtout venant des investissements verts qui compenseraient les faiblesses de l’immobilier. L’offre pourrait être perturbée par la situation politique au Pérou, pays qui est le 2ème producteur mondial de cuivre. La réouverture de la Chine et la baisse du dollar pourraient pousser les prix des métaux industriels à la hausse.

 

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