
Revue mensuelle d’investissement – 07 décembre 20
Vision globale
Nouveau cycle économique, avec une inflation plus volatile. Slowbalisation
La profusion de liquidités va se poursuivre. La pandémie affectera la croissance potentielle à long terme du G7, en raison de la faible productivité marginale des nouvelles dettes.
Reprise des injections de liquidités massives par la Fed
La Fed compensera l’absence de relance budgétaire au quatrième trimestre. La réorientation de fonds par le Trésor est anecdotique avec l’arrivée de Yellen. La NMT, nouvelle théorie monétaire, se profile à l’horizon.
Croissance : rechute temporaire. Doutes sur la configuration en ¨U¨
Avec les confinements sélectifs, la croissance va clairement faiblir jusqu’au T2 2021. Une forte reprise cyclique mondiale devrait se développer à partir du printemps prochain.
Un monde G-Zéro avec une diminution claire des risques électoraux aux États-Unis.
Multilatéralisme et action climatique dans la salle d’attente. Le Président Biden va progressivement retisser les liens multilatéraux.
Gros flux de capitaux dynamiques (complaisants ?) du marché monétaire et de l’or vers les actifs à risque
Fin du trimestre fiscal et élections américaines ont favorisé la prise de risques.
Les actifs de qualité resteront rares et onéreux
La répression financière maintiendra les taux bas. Le stock d’obligations souveraines génératrices de revenus restera artificiellement étroit. La forte demande institutionnelle pour des actifs de haute qualité se poursuivra.
Regain marqué de l’appétit pour le risque, premiers signes de complaisance
Un (très) fort consensus se dégage en faveur d’un dollar faible, de taux bas et du trade sur la reflation…
Passage sans encombre du témoin, finalement – Comme toujours, les élections (américaines) ont réservé leur lot de surprises. Fort heureusement, les nombreux scénarios-catastrophe échafaudés par les médias bien-pensants / sensationnalistes ne se sont pas produits. Très peu de violences, une participation record, un vote populaire très clair. Les gesticulations pathétiques de l’armée d’avocats de Trump participent de la télé réalité – ¨version hype¨ – à l’américaine. Les marchés ne s’en soucient pas : la prime de risque électorale s’est déjà évaporée à la veille des élections si l’on en juge par les rachats massifs d’actifs risqués – via les ETFs – fin octobre.
Les résultats – quasi-finaux désormais – n’en ont pas moins une grande importance. Les démocrates n’ont pas raflé la mise et la fameuse ¨vague bleue¨ n’aura pas lieu, on s’achemine vers la cohabitation. Les méga-plans évoqués durant la campagne, Green Deal et Infrastructure, qui auraient pu doper le PIB américain vers un rythme de +5% ces deux / trois prochaines années seront revus à la baisse. Non seulement les démocrates risquent de ne pas gagner le Sénat en janvier prochain. Mais, étonnamment, ils sont aussi dans une position relativement faible à la Chambre des représentants. Il faut espérer que les tensions latentes entre la gauche ¨dure¨ et le centre du parti ne réapparaîtront pas…
Dans l’autre pôle politique, on voit mal les Républicains – libérés pour les plus centristes de la tutelle embarrassante de Trump – faire de l’obstruction systématique. Les élections de mi-mandat sont pour 2022… Bref, les parlementaires américains s’accorderont vraisemblablement pour mettre en place des plans de relance qui permettront au PIB de croître à 3-4%, soit un rythme supérieur au potentiel de long terme. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle finalement, car cela évitera le dérapage abyssal des déficits et un éventuel retour – prématuré – d’une irritation inflationniste due aux goulets d’étranglements que subissent les chaines de fabrication, les transports, la logistique etc.
Conclusion sur la répartition des actifs – La profusion de liquidités va se poursuivre, d’autant plus dans le contexte de la cohabitation, qui signifiera probablement – aux États-Unis – moins de stimulation par la fiscalité. Cela se traduira par un dollar faible et un environnement de taux directeurs / à court terme bas. Le thème de la reflation va continuer de se développer dans le sillage des bonnes nouvelles sur les vaccins et de la perspective d’un nouveau cycle économique. En corollaire, de nombreuses institutions / gestionnaires de fonds ont réinvesti une partie de leurs liquidités, gardées en liquidités / couverture (comme l’or), dans des actions et des titres à haut rendement. Il s’agit probablement d’une tendance solide, qui perdurera en 2021, apportant un soutien aux marchés financiers dans leur ensemble. Mais, compte tenu de la rapidité et de la force récente du rebond lié au thème « de la réouverture », les actifs plus défensifs de type « résistance à la Covid – rester à la maison » devraient rebondir à court terme.
Devises
Yellen comme secrétaire au Trésor est un message baissier pour le dollar – Biden devrait nommer l’ancienne présidente de la Fed Yellen au poste de prochain secrétaire au Trésor. Elle était la favorite, mais cette nouvelle a un poids considérable. Yellen était dans la veine de Bernanke à la Fed, à savoir accommodante. Elle a réagi de manière décisive contre les attentes de hausses de taux lorsque l’USD s’était fortement apprécié en 2016. Comme économiste, elle a identifié les dangers des inégalités, laissant à penser que comme secrétaire au Trésor, elle aborderait les questions de l’emploi de manière beaucoup plus agressive que son prédécesseur. Nous assistons à une baisse de la pertinence de la politique monétaire, les banques centrales ayant toutes atteintes un plancher sur les taux d’intérêt. Désormais, les politiques fiscales prennent le relais. La Fed offrira son soutien pour maximiser l’impact budgétaire en assurant un financement bon marché. Il est logique qu’un ancien président de la Fed aide à maximiser cette coordination budgétaire et monétaire. Les implications à long terme de la nomination de Yellen sont clairement négatives pour l’USD.
Sur la base de l’indice pondéré par le commerce mondial, l’USD s’est apprécié de 27% entre juillet 2014 jusqu’à son récent pic d’avril dernier. En termes de durée et d’ampleur, son appréciation était similaire aux précédentes périodes de renforcement. Selon les modèles traditionnels – basés sur les niveaux des prix, les écarts de productivité et le volume du commerce – l’USD était surévalué d’environ 20% en avril dernier et l’est encore d’environ 10%.
L’EUR n’est pas si cher – En apparence, l’environnement macroéconomique ne dépeint pas un tableau attrayant pour la monnaie unique. Mais cela ne devrait pas faire dérailler les perspectives positives sur l’EUR/USD, car la pression baissière sur l’USD est plus élevée. Une faible inflation européenne, parallèlement à une BCE réticente à réduire davantage ses taux, est un soutien à des taux réels stables dans la zone euro. Cela contraste avec l’USD, dont les taux réels pourraient être davantage négatifs à mesure que l’économie et l’inflation se redressent l’an prochain, la Fed préférant être « behind the curve ».
L’euro n’a soudainement pas l’air aussi fort depuis que les devises émergentes se sont redressées. L’EUR pondéré par les échanges commerciaux est maintenant aussi bon marché qu’il l’était en juillet. À ce moment, l’EUR/USD s’échangeait en-dessous du support des 1,16. Cela devrait réconforter la BCE.
Obligations
Une Fed contrariée par l’administration sortante – Le secrétaire au Trésor, Mnuchin, a décidé de mettre fin à 2 programmes de prêts d’ici la fin de l’année, car il a mis son veto à la prolongation demandée par la Fed. Mnuchin peut bloquer/empêcher une prolongation des mesures extraordinaires de la Fed, mais le prochain secrétaire au Trésor sera en mesure de les remettre en oeuvre. Ce n’est pas dramatique, même si cela a pour but de compliquer la tâche de la prochaine administration. La facilité de crédit aux entreprises (750 milliards) a été faiblement déployée avec un taux d’utilisation total inférieur à 10%. On pourrait bien sûr affirmer que cet arrêt brutal empêche son utilisation, mais il existe d’autres moyens pour la Fed de fournir davantage de liquidités via d’autres canaux.
Lors de sa réunion de début novembre, la présidente Lagarde a clairement indiqué qu’un nouvel assouplissement de la BCE serait à l’ordre du jour le 10 décembre. Le programme QE contre la pandémie sera étendu et les contraintes sur le programme de liquidité bancaire assouplies. De nouvelles baisses des taux directeurs sont moins probables, la BCE privilégiant l’achat d’actifs.
La décision de Mnuchin rend une augmentation du rythme du QE de la Fed plus probable – mais pas garantie étant donné la perspective de Yellen comme successeur – alors d’autres programmes existants pourraient être privilégiés. Donc, la Fed pourrait décider de rallonger une fois encore la maturité moyenne pondérée de ses achats vers le 10 ans.
Cela pourrait contribuer à temporairement atténuer la pression haussière sur la courbe des taux US, mais cela ne devrait pas fonctionner aussi bien qu’en 2011-2012. Il existe au moins 2 différences majeures par rapport aux opérations d’aplatissement de la courbe « Twist » de 2011-2012. Premièrement, le contexte macroéconomique cyclique est maintenant beaucoup plus favorable. Ensuite, la Fed continuera d’injecter de la liquidité, ce qui est un soutien à l’activité et donc un support à la pentification. En 2011-2012, ses détentions d’obligations et la liquidité étaient restées stables. Par conséquent, un réaplatissement de la courbe devrait être utilisé pour rajouter des paris sur une pentification de la courbe.
Le marché du crédit a encore du ¨jus¨ – Le marché du crédit s’est largement remis de la terrible crise provoquée par la COVID-19. En général, les spreads de crédit sont désormais à leur plus bas niveau depuis fin février 2020 et très proches de leur moyenne de la période 2018-2019. Dans le même temps, les rendements sont désormais proches de leurs plus bas historiques. Si, comme prévu, la croissance des bénéfices se redresse en 2021, les spreads Investment Grade peuvent encore se contracter. Cependant, ce rétrécissement des spreads pourrait être plus que contrebalancé par des taux US plus élevés en 2021.
Sur la partie la plus à risque du spectre du crédit, la situation est légèrement différente. Le rendement du marché américain HY a récemment augmenté par rapport à son niveau record du 9 novembre à 4,56%. Au cours de la période 2017-2019, le spread moyen du HY s’établissait à 350 pbs avec un point bas à 300 pbs. Ainsi, si les perspectives positives de croissance des bénéfices se maintiennent en 2021, le spread des obligations HY pourrait bien se réduire de 50/70 pbs en 2021, ce qui devrait être plus que suffisant pour compenser une augmentation probable des taux.
Actions
Une bonne nouvelle pour les actions : Les campagnes de vaccination commenceront plus tôt que prévu – Les annonces de vaccins étaient largement attendues pour novembre, mais la très haute efficacité des vaccins reposant sur une nouvelle technologie génétique comme ceux mis au point par BioNTech et Moderna était moins anticipée. L’autre très bonne surprise vient d’une production des vaccins qui a déjà commencé en novembre et la possibilité d’une campagne de vaccination nationale et ciblée dès mi-décembre/début janvier, en avance de 3 mois sur les prévisions précédentes, avec évidemment les homologations des autorités sanitaires.
De toute évidence, les vaccins améliorent la visibilité sur la reprise économique en 2021. Le segment Value (bas PE ratios) et les valeurs cycliques l’ont bien compris avec une envolée des cours depuis la première annonce de Pfizer/BioNTech. La thématique verte a profité de la confirmation de la victoire de Joe Biden avec la volonté d’un retour des Etats-Unis dans l’Accord de Paris sur le climat et la nomination de John Kerry comme représentant spécial pour le climat et le pari d’une relance verte, The Green Industrial Revolution, présentée par Boris Johnson.
A court terme, les indicateurs de sentiment des investisseurs sont à des niveaux élevés et une réduction du momentum acheteur serait souhaitable pour repartir sur de bonnes bases début 2021. Les grands investisseurs institutionnels globaux sont entrés fortement dans les fonds investis en actions à l’annonce du vaccin de Pfizer/BioNTech, le plus important flux entrant ($44.5 milliards) sur une semaine dans les 20 dernières années, alors qu’en octobre, les investisseurs individuels US ont dépassé le pourcentage historique moyen de 61% de la part investie en actions à 66% (source : October AAII Asset Allocation Survey). D’autres facteurs pourraient freiner l’élan des bourses en décembre comme le traditionnel window dressing de fin d’année avec le rebalancement des portefeuilles après le rallye des actions ou les nouvelles régulations contraignantes sur les GAFA ou l’accélération de la pandémie en Amérique du Nord et le prolongement des mesures Covid en Europe ou l’absence de plan de relance aux Etats-Unis ou le blocage institutionnel européen sur le plan de soutien de €750 milliards. Des facteurs de court terme, à notre avis.
Mais la vaccination globale qui montera en puissance en 2021, la présence indéfectible de la Fed avec ses liquidités et les gigantesques plans de relance sont des éléments favorables pour maintenir une position Risk-on sur les actions, avec une surpondération du segment Value/cyclique. La nomination de Janet Yellen au poste de secrétaire au Trésor est bien accueillie, considérée comme market friendly. Nous ne prenons pas nos profits sur le segment Value, mais après un premier rallye violent effectué en deux semaines, nous devons avoir dorénavant un horizon d’investissement de 2 à 4 mois ; un schéma classique lorsque le cycle boursier haussier du segment Value/cyclique repart.
Les évaluations boursières actuelles élevées, pas choquantes dans cet environnement de taux d’intérêt très bas, se normaliseront dès le 2ème trimestre 2021 avec la forte hausse des profits (effet de base). En 2021, les profits US progresseront de 22% au lieu des 28% estimé il y a un mois en raison d’un recul moins prononcé en 2020 (forte résilience des sociétés) qu’anticipé avec -14% contre -22% estimé cet été. Les profits européens chuteront de 35% en 2020 pour rebondir de 38% en 2021. Les profits de la zone émergente augmenteront de plus de 30% en 2021. Les PE ratios devraient revenir sur les moyennes historiques. A six mois, nous estimons une progression de 10% du MSCI Monde.
Dans un contexte de reprise économique, les bourses européenne, anglaise, japonaise et émergente devraient mieux se comporter : le poids des sociétés Value et cycliques (Finance, Discrétionnaire, Industrie, Matériaux et Energie) est plus important comparé à la bourse US : Europe 55%, Japon 53%, Zone émergente 54% et US 36%. Pour les US, le poids du segment Croissance IT + Amazon, Alphabet, Facebook est de 40%. La bourse anglaise a des atouts supplémentaires comme une évaluation boursière attrayante à 14.5x les profits 2021, un possible accord avec l’Union européenne et pour les investisseurs non-UK une appréciation probable de la livre en cas d’un Brexit ordonné. L’Union européenne devrait bénéficier d’une relation commerciale plus constructive avec la nouvelle administration américaine.
Les émergents – Nous maintenons notre surpondération sur la Chine (actions domestiques A) dont l’indice CSI 300 a enregistré une belle performance de +20% en 2020. L’économie chinoise connaît une forte croissance et la récente sortie technique à la hausse du couloir latéral dans lequel évoluait le CSI 300 depuis juillet est un signe positif. La création d’une nouvelle zone de libre-échange en Asie-Pacifique, le RCEP, sera positive pour la région, soit la Chine, le Japon, l’Australie, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.
Un dollar plus faible, notre scénario, est un paramètre important pour une surperformance des actions émergentes. De mars à septembre, les fonds investis en actions émergentes ont enregistré des sorties d’argent constantes, mais depuis l’annonce des vaccins et des perspectives positives sur les devises émergentes, les investisseurs reviennent.
Matières premières
Or – Depuis début août, le cours de l’or corrige, ce qui coïncide avec une hausse des taux d’intérêt réel. Depuis début octobre, on observe une accélération des sorties d’or physique dans les ETF.
Les annonces sur les vaccins menacent la tendance haussière de l’or. Les perspectives de reprise de la croissance économique globale rendent l’or moins attrayant. A court terme, le prix de l’or évoluera dans une étroite fourchette entre les défis de la pandémie et les meilleures perspectives économiques à long terme, et les questionnements sur l’évolution des taux d’intérêt réels entre taux nominaux et inflation.
La baisse de la demande pour l’investissement pourrait être compensée par le retour des achats des ménages indiens et chinois (40% de la demande mondiale d’or en temps normal), largement absents du rallye de 2020 par cause de pandémie avec une chute de 30% de la demande en joaillerie. Son cousin, l’argent, a un futur industriel intéressant grâce à la hausse de la demande venant de la fabrication des panneaux solaires.
Supercycle pour les métaux industriels – La reprise économique globale, le développement de la région Asie et les larges dépenses dans la décarbonisation de l’économie et les énergies vertes vont accroître la demande pour les métaux industriels.
La demande en métaux pour les infrastructures vertes va être considérable. Les métaux principalement concernés par le solaire et l’éolien seront l’aluminium, le minerai de fer, l’argent, l’indium, le nickel, le cuivre et le molybdenum, et par les batteries et le stockage de l’énergie, le graphite, le lithium, le cobalt et le manganese. Dans son dernier rapport, Minerals for Climate Action, la Banque mondiale prévoit une multiplication par 4 d’ici 2050 de la demande en métaux liés aux technologies à faibles émissions de carbone.
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